S’il est question de braquages de banques et de poursuite entre un shériff et des gangsters, “Comancheria” n’est pas qu’un simple western contemporain, comme son équipe nous l’a expliqué.

Au premier abord, Comancheria est un western moderne, dans lequel Chris Pine et Ben Foster braquent des banques et sont poursuivis par Jeff Bridges. Mais le long métrage de David Mackenzie, présenté à Cannes et à Deauville cette année, va plus loin. Si l’équipe n’est pas d’accord sur le message relatif aux armes à feu, dans la vidéo ci-dessus, tous reconnaissent son ancrage dans l’époque actuelle.

AlloCiné : Il y a plusieurs couches dans ce film, entre le western moderne, la notion de fraternité et le drame social notamment. Laquelle vous a le plus attiré ?
Ben Foster : C’est le tout, et j’ai le sentiment que nous avons mélangé et abordé ces genres avec sérieux. Et il est question de fraternité, d’attention et de sacrifice, autant de choses derrière lesquelles il est possible de se ranger.

David Mackenzie : Beaucoup de choses du scénario m’ont plu, que ce soit l’idée de rédemption criminelle, l’instantané de l’Amérique d’aujourd’hui, le lien entre ce film et d’autres grands films du passé. Il y avait pour moi la possibilité de me mouvoir dans cet espace, en tant que réalisateur écossais. Faire un film sur les Etats-Unis qui se déroule en son cœur me semblait très intéressant, et j’aime également la relation centrale, l’observation de ce monde. Taylor [Sheridan, le scénariste] connaissait son sujet et j’ai essayé de servir son scénario avec une approche réaliste. J’ai ressenti une connexion très positive avec le matériau de base.

La tagline américaine est « La Justice n’est pas un crime » : pensez-vous que le film génère des débats sur le bien-fondé des actions des personnages principaux ?
David Mackenzie : Je pense que oui, car nous ne répondons pas directement à cette question. Ce que cherche à faire le film, c’est occuper un espace semi-politique sur l’état des choses aux Etats-Unis. Sans juger mais en ouvrant la porte au débat, et il sera intéressant de voir ce qu’il va se passer avec les élections présidentielles de cette année. En attendant, Comancheria ne fait pas de grandes déclarations mais aborde son sujet de manière globale, ce qui me paraissait intéressant.

Chris Pine : Non, je ne pense pas. Ce n’est en tout cas pas dans cette cour que joue le film, qui ne me paraît pas être politique. Il parle surtout de frères pour moi.

Ben Foster : Comancheria aborde plusieurs sujets, à commencer par le marché immobilier et le fait que les banques rendent quasi-impossible la possibilité de devenir propriétaire grâce aux taux d’intérêt. Ils manipulent les gens avec ce qui est écrit en petit et les accrochent comme des junkies à leurs maisons. C’est moche et c’est une partie de la structure du film, mais son cœur n’est pas là. Il réside plus dans l’histoire de ces deux frères.

Comancheria Bande-annonce (2) VO

C’est aussi un portrait de notre société et de ce que les gens peuvent faire dans le but de survivre.
Ben Foster : Nous vivons des temps troublés et c’est même étrange d’être assis là, à Cannes, dans un beau costume. La réalité dont parlent les films est bien plus réaliste que cela, même si je suis très content d’être ici et que je ne changerais ça pour rien au monde (rires)

Chris Pine : Les gens ont toujours été désespérés, et les inégalités entre riches et pauvres ne cessent de se creuser, à tel point que la classe moyenne, établie après la Seconde Guerre Mondiale, a été démolie. Et l’avidité des entreprises semble tout diriger, donc c’est pour cette raison que les choses sont dans un état aussi terrible aujourd’hui.

David Mackenzie : Oui, et c’est un thème qui revient de plus en plus car les gens en ont marre de ce qui semble être une injustice, à tel point que si les autres ou les institutions se comportent mal, pourquoi faudrait-il bien se comporter ? (rires) L’idée que les gens prennent les choses en main revient tout particulièrement aux Etats-Unis.

Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Cannes le 16 mai 2016